A l’entrée du tunnel de Soumbèdioune, mon exaspération atteint son comble. Le ‘’ collectif des travailleurs empruntant la corniche tous les matins’’ devrait porter plainte contre les constructeurs de la « plus belle corniche de l’Afrique de l’Ouest ! Tout cet embouteillage pour ça ?! Je contourne une voiture en panne, et comme par magie, la voie s’ouvre, libre, devant moi ! Eh oui ! Je ne suis pas du tout surprise, juste dégoutée. La corniche est la route la plus imprévisible de Dakar. On peut y passer 10 mn, on peut également y passer 1H, tout dépend de notre niveau de poisse du moment. On ne sait jamais ce qu’on y trouvera. Mais, le pire, c’est ce PROBLEME RECURRENT qui n’est toujours pas réglé. Il suffit qu’une voiture tombe en panne, ou qu’il y ait un petit incident entre deux véhicules, pour créer un bouchon d’au moins 2 Km. Et tout ça pourquoi ? Parce qu’aucun espace n’a été prévu et que les trottoirs sont trop hauts pour que les voitures puissent se garer sur le bas-côté en cas de panne. Du coup, au moindre pépin, c’est la pagaille totale…Bref…

Je suis mon chemin jusqu’à l’entrée de la ville. Une file d’environ 300 m s’allonge à mon arrivée, de 3 ou 4m. Les marchands ambulants prennent d’assaut ma vitre. On me propose le nouveau « Dakar-visage » qui parle des « people », et je rie, en voyant les titres à la une. POURQUOI VEUT-ON COUTE QUE COUTE FAIRE COMME LES BLANCS ? Les mêmes titres, les mêmes styles. On occulte le fait qu’on n’a pas la même culture. En quoi la vie de ces gens nous intéresse-t-elle ? En quoi le mariage, le célibat, le divorce, l’enfant unique, bref, tous ces aléas de ces gens-là nous intéressent-ils ? Pourquoi devons-nous toujours nous comporter en mouton de panurge, comme si nous n’avions pas nos propres cerveaux pour créer, innover, ou, à la limite, adapter ? Quelle tristesse !

Cette même tristesse qui me pèse, quand j’aperçois cette vielle dame qui m’approche, et me tend la main. Je me demande comment elle en est arrivée là ? A cet âge, elle devrait se reposer, sous le manguier…Ce petit bou’tchou, aux cheveux bouclés et aux longs cils, au regard triste, qui me tend la main, me fend le cœur. Il a à peine 3 ans. Il est pieds nus, en haillons, crasseux. Je me demande « Où sont ses parents ? », « Comment peut-on abandonner sa progéniture, le laisser livré à lui-même, dans cette jungle urbaine ? Comment peut-on avoir le cœur de confisquer l’avenir d’un enfant, parce qu’on veut soit disant lui inculquer le savoir sacré ? ‘’… C’est une insulte qu’on fait à l’Islam. Est- ce cette image qu’on veut donner de notre si belle religion ? Où a-t-on écrit dans le Saint Coran, que ces pauvres petits anges étaient obligés de mendier, dès leur jeune âge, comme tribu pour acquérir le savoir ? Que font les pouvoirs publics pour les sauver ? Leur offrir un avenir ? Quand ils passent, en cortège, ne les voient-ils pas ? Où est le ministre chargé de la petite enfance ? Pourquoi tous ces acteurs, qui peuvent prendre des décisions, faire des choses concrètes, pour changer la vie de ces pauvres innocents ferment-ils les yeux ? N’ont-ils pas des enfants, une fibre maternelle ou paternelle qui leur pousserait à agir ? Autant que je m’en souvienne, je les croise, tous les jours, dans la rue, depuis ma tendre enfance. Ils se font violer, ils se font agresser, ils se font torturer, dans la rue, ou dans l’intimité de leur « Senzala », et on ne dit rien, ou plutôt, on ne fait rien, à part en parler et alimenter les lignes de ces médias frileux d’histoires et de scandales sexuels sordides, les récits ponctués de détails salaces qui ne nous apportent rien. Où va-t-on ? La vue de ces enfants talibés m’attriste et me révolte, mais, étant un tout petit pion dans la vaste population de mon cher pays, je me résigne, et, avec ma petite plume, j’écris, pour ce petit ange, qui lui, est encore inconscient de son triste sort.

Au loin, je vois une femme, en foulard, qui approche. Bizarrement, à chaque fois qu’elle s’arrête devant une vitre, elle découvre son cou. Je me demande bien ce qu’elle montre. Ma curiosité ne dure pas plus de 5 Secondes. Elle s’arrête, refait le geste, et je vois une grosse boule, qui longe toute la partie droite de son cou. On aurait dit un kyste. Elle le recouvre. Je lui donne une pièce et fais une brève analyse. Si cette femme est capable de déambuler entre les voitures toutes la journée sous le chaud soleil, pour gagner sa vie, c’est qu’elle doit être capable d’exercer un travail ! Tchey ! Me dis-je. Et très souvent, on me dit que parmi ces gens, il existe plusieurs immigrés, de la sous-région. Il paraitrait qu’ailleurs, nous, sénégalais, somme réputés généreux. Du coup, nos rues ne désemplissent pas. Entre ceux qui dorment dans la rue le long des murs des boulangeries, pâtisseries, mosquées, centres culturels, sur Ponty, on se rend compte de la misère ambiante qu’abrite Dakar. Cette misère partagée entre galères multiples, solitudes, dé-solidarisation, gout de la facilité…et la fatalité.

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