Je suis Anna Ndiaye, et dans ce texte, je vous parle de mon rapport avec le travail…

Je m’appelle Anna Ndiaye, sénégalaise bon teint, beau teint…

Et comme vous tous, j’ai été élevée dans cette absolue nécessité de « bien travailler » à l’école, pour un jour devenir quelqu’un…

Le bac en poche, c’est avec les rêves pleins les poches que j’ai rejoint la fac, pour les poursuivre. Un parcours dont tout le monde, autour de moi, était fier. Mes rêves étaient mon carburant, et m’emmenaient loin, alors que mon corps restait bien ancré dans son temps. Mon diplôme en Management de la qualité en poche, je me mis à chercher un travail, un travail décent, la suite logique à ces 15 années passées à m’assoir, et me rassoir sans cesse sur les bancs de ces temples du savoir. Que de nuits blanches, que de nuits sombres à poursuivre mes rêves…Qui sont restés des rêves. 

Quand j’y repense, mes parents en ont également tellement rêvé. Mais pour eux aussi, ces rêves sont restés des rêves…

Ils avaient des rêves pour moi, assez d’argent pour me pousser à les réaliser, mais les bras trop courts pour faire sauter les verrous. Leurs bras n’étaient pas assez longs, pour pousser un ‘’quelqu’un’’ à me ‘’placer’’ quelque part. 

J’acceptai donc, à regret, de rêver moins grand, et d’accepter un poste de ‘’commercial terrain’’…Un nom pour faire joli…En réalité, ce fut du porte à porte, et avec les peu de moyens qu’on me donnait pour prendre en charge mon transport, j’arpentais les 4 points cardinaux de Dakar en Bus, car rapide, clandos, et quelques fois, « en cas de cas », je me contraignais à me payer un taxi. Le soleil ardent de Dakar me reconnaissait parmi les quelques millions de corps qu’il brulait littéralement, mais il n’en était pas plus clément avec moi. Le sable de Pikine, Guédiawaye, zone industrielle, route de Ngor, et Yarakh pouvait reconnaitre mes pas parmi les milliers de pas qui le foulaient toutes les semaines, cela ne l’empêchait pas de s’incruster jusque dans mes semelles, voulant peut-être m’accompagner dans mes aventures quotidiennes. Et des aventures, j’en vivait quasiment toutes les semaines…

Quand on est une femme, et qu’on vend un service à des hommes, responsables…Ils pensent, très souvent, que dans ces produits, où ces services, notre corps est inclus. 

C’est ainsi que je reçus un SMS des plus salaces un matin, d’un homme dont la bibliothèque du bureau était (pourtant) remplie de livres islamiques…

C’est ainsi que je fus coincée un matin entre un le mur d’un bureau d’un directeur de banque et son corps, pour un baiser qu’il aurait souhaité volé…

C’est ainsi qu’un jour, mon Directeur me fit envoyer un parfum de luxe par mon responsable, qui n’arriva jamais. Ce dernier avait trouvé ce geste déplacé et le lui avait rendu avant de me rendre compte…

C’est ainsi que ce même directeur me déshabillait littéralement du regard à chaque fois qu’il me demandait de lui rendre compte de mes dernières prospections, dans son bureau…

C’est ainsi que je me suis retrouvée à essayer de trouver un moyen de refuser gentiment les avances d’un gérant de restaurant pour ne pas perdre un client dont les bons de commandes renfloueraient mes commissions…

C’est ainsi que me retrouvai deux fois de suite, insultée, humiliée, devant des employés, parce que ces matins là, ces prospects n’étaient pas dans leur bon jour…Mon insistance les avaient alors agacés…Et puisque le client est roi, je ravalai mon orgueil, et séchai mes larmes au coin d’une rue déserte. Eux, étaient là, en haut, et moi, j’en étais encore à essayer d’attraper la première rampe de l’échelle. 

C’est ainsi que je me retrouvai à courir derrière ceux qui, quand même, acceptaient de signer un bon de commande, pour que je puisse attendre, la foi au cœur, une rémunération uniquement basée sur les humeurs des différents signataires…

J’avais accepté de travailler pour cette entreprise ‘’aventure’’ comme il en pullule un peu partout, pour me garantir une activité génératrice d’un (hypothétique) revenu, mais surtout, une activité régulière, pour répondre au politiquement correct d’une société où le succès d’une vie se résume au paraitre…

Donc, cette entreprise dirigée par un homme qui se servait dans la caisse pour tous ses besoins personnels m’avait recrutée sous contrat de prestataire. J’étais payée exclusivement à la commission, et pour mes déplacements, j’avais à ma disposition la « faramineuse » somme de 25 000 FCFA par mois pour mes frais de déplacement. Mon salaire mensuel ne dépendait donc que du paiement des clients, un autre défi…

J’y restai, malgré tout, en attendant de trouver un travail beaucoup plus valorisant…Mes recherches me firent rencontrer d’autres hommes….

C’est ainsi que je me fis draguer ouvertement par des hommes mariés, par SMS, des SMS que je recevais, bizarrement, soit les week-end, soit les lundis…Où ils me disaient que je leur manquais, ou, pour les plus délicats, au 3ème SMS, le deuxième renvoyait la politesse du ‘’comment s’est passé ton week-end ? Au 3eme SMS, on me révélait que e week-end n’avait pas été agréable, sans moi….

C’est ainsi que je me vis proposer un deuxième entretien dans un hôtel des Almadies, pour être plus ‘’à l’aise hors d’un cadre formel’’ selon les dires du recruteur…Et c’est ainsi que je vis proposer un tour dans sa chambre, pour des ‘’tuyaux’’ lors du 3eme entretien…oui, les ‘’tuyaux ‘’ l’intéressaient, le mien particulièrement cette fois ci, mais je déclinais poliment son offre…

Chez moi, le soir, je me mis à réfléchir…

Si ce recruteur, sud-américain, m’avait proposé aussi facilement de monter dans sa chambre d’hôtel, à combien d’autres filles l’avait-il proposé ? Combien avaient refusé ? Combien avaient accepté ?

Et cette question soulève celle du rapport travail, carrière et femme…

Combien sont-elles, à recourir à la fameuse promotion canapé ? 

Combien sont-elles, à choisir, pour diverses raison, l’ascenseur, à la place des escaliers ? 

En tant que femmes, nous sommes très souvent obligées de nous battre triplement, pour celles qui font le choix de ne pas vendre cet organe qui coute des millions sous certains cieux…

Je m’appelle Anna Ndiaye, aujourd’hui, agent de recouvrement et pourtant diplômée en management qualité, mais j’ai décidé d’attraper mes rêves, et de les tirer bien bas, pour ne pas mourir de faim, pour ne pas mourir aigrie…

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