REGRETS D’UNE VIE…

Un soir, au détour d’une rue, il était là, assis, le regard lointain et profond, l’air de vivre en double, ici et ailleurs. Son regard était intense, l’air de vivre des époques parallèles. Son regard avait définitivement tourné le dos au présent et au futur, il s’était installé dans le passé, un passé que les yeux de son âme regardaient, avec passion, amour, mélancolie et nostalgie. Son âme avait besoin de rester suspendu dans ce temps, pour ne pas sombrer dans le gouffre de désespoir que seul un amour perdu est capable de creuser. 

Je me suis alors assise, à la même place, et nous avons parlé, en silence. 

J’avais glissé mes mains dans les siennes, et face à lui, je fermais les yeux, captant chaque once d’énergie qui se dégageait de ce cœur qui avait fini par abandonner, les armes à la main, qui avait fini de mourir avant son heure. Une mort dont seul un amour perdu a le secret…

Et comme un de ces soirs où nous parlions lui et moi, il me disait en silence combien il l’avait aimé, combien il l’aimait et combien il l’aimerait, toujours…

Il l’avait aimé, oui, mais il l’avait si mal aimée ! 

Elle, c’était ce rayon de soleil dont l’éclat, au fil du temps, avait fini par s’estomper…

Elle, c’était ce rire, ce sourire, qui avaient fini par mourir au fil des saisons…

Elle, c’était ce regard pétillant, qui avait fini par se vider de son essence, au fil des trahisons…

Elle, c’était cet amour si profond, qui avait fini par mourir, à l’autel des coups…

Elle, c’était cette douceur dans les yeux, qui avait fini par se muer en tristesse, au fil des humiliations…

Elle, c’était cet amour perdu qu’il ne retrouvera jamais, perdu quelque part dans le ciel, c’était il y avait si longtemps…

Elle était à jamais perdu, une sentence inéluctable, dont seule la mort avait le secret…

S’il avait pu la faire revenir, pour lui dire une dernière fois, une toute dernière fois combien elle avait compté pour lui, combien ils avaient tous compté pour lui…

S’il pouvait, rien qu’une fois, comme quand il essayait de la toucher, dans ces songes qui meublaient ses longues nuits, s’il pouvait lui dire combien il s’en voulait d’avoir tant écouté sa mère, ses sœurs, toutes ces créaturesliées à lui pour l’éternité par le destin, qui avaient si souvent réussi à le convaincre qu’elle n’était pas digne de son amour, ni même de son respect, encore moins de sa générosité. 

S’il pouvait, rien dire qu’une fois, la serrer dans ses bras, lui souffler à l’oreille combien il avait besoin de la sentir la, contre son cœur…

Mais le temps lui rappelait, à chaque seconde, que telle une rivière l, que ce qui fut ne sera plus. 

Elle était partie, au terme d’une vie finalement si courte, amère, peut-être, en paix, peut-être, mais remplie de regrets, sûrement.

Des regrets, comme celui de ne pas avoir su laisser sa raison guider son cœur, celui de ne pas avoir su laisser son être tout entier, endolori,choisir, seul, décider, seul, de ne pas continuer, avec l’âme choisie, aux aurores d’un amour passionné et si frais. Un amour pur, innocent crédule et si naïf. Un amour au-delà de la raison, au-delà de la sagesse, au-delà des mises en garde. 

Et en fin de compte, quand la douleur fut forte, personne ne fut capable de la ressentir, exceptée, jusqu’au coup fatal, le soir où il avait pris le verre de trop, le soir où il avait écouté la mise en garde de trop, le soir où il avait prêté l’oreille à la médisance de trop.

Le coup fut brutal, fatal…

A la seconde d’avant, elle était, à la seconde d’après, elle fut. 

On parla d’elle au passé, ceux qui la chérissaient avaient pleuré, avaient hurlé, avaient haï, l’avaient haï…

La sentence des hommes fut implacable, il fut honni, vomi, renié. Les instigateurs et instigatrices de ses folies n’en assumèrent rien, et face à la terre entière, les hommages fusèrent. 

Elle était la bonté incarnée…

Ses orphelins la pleurèrent, encore et encore, et sous le regard doux de ceux qui l’avaient vraiment chéri, ils finirent par trouver la paix du cœur…loin, à des milliers de kilomètres… séparés, à jamais, de ce père qui avaient fini par tuer leur mère…

Et pourtant, en réalité, il avait juste séparé son âme de son corps, mais, de l’intérieur, elle avait perdu la vie, depuis si longtemps…

Comme lui, ce soir-là, plus de deux décennies plus tard, je le croisais dans cette même rue…

Il avait tout perdu, et dans le temps suspendu, il avait préféré vivre, des centaines et des milliers de fois, les mêmes scènes, cet amour naïf, crédule et innocent…

Les regrets ne ramènent pas les morts, comme les larmes n’effacent pas les remords…

Il me parla encore en silence, le regard intense…

J’avais mal pour lui, mais je ne pouvais porter ses péchés… c’était son bagage à lui, qu’il porterait encore, seul…

Il les portait de toute manière, en silence, depuis si longtemps, ce vieil ami qui avait laissé sa vie entre les mains de celles qui n’avaient pas aimé celle qui partageait sa vie…

Ces mêmes qu’il ne voyait plus..

Oui, personne ne porterait ses péchés à sa place…

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